Les participant.e.s à la Conférence bisannuelle du Secours Rouge International ont achevé leurs travaux. Ceux-ci ont notamment porté sur le développement et la qualification de notre fraternité de lutte avec le Rojava et la gauche révolutionnaire palestinienne.
Il a également été question du procès à venir, le 14 avril prochain, contre un camarade du Secours Rouge de Genève. Ce camarade doit comparaître devant le tribunal militaire, à Sion, qui l’accuse d’avoir participé comme internationaliste à la défense armée du Rojava. Ce procès sera l’occasion de réaffirmer la légitimité et la nécessité de défendre la révolution au Rojava comme partie d’un processus révolutionnaire international.
Il a énormément été question de la lutte du prisonnier anarchiste Alfredo Cospito contre le régime carcéral 41bis. Voilà presque 20 ans que le SRI lutte contre ce régime d’isolement total auxquels sont soumis depuis 2003 les prisonniers des Brigades Rouges PCC Nadia Lioce, Roberto Morandi et Marco Mezzasalma.
Le 41bis n’est pas, dans le cas de ces révolutionnaires, une mesure de sécurité ou un mode de châtiment : c’est un moyen de pression. Il leur suffirait de collaborer avec les forces de polices pour en sortir. Comme le dit Alfredo Cospito : « L’unique possibilité que j’ai de sortir d’ici est de renier mon anarchie et de vendre quelqu’un à mettre à ma place. » Faire souffrir pour extorquer un reniement ou des informations : c’est l’exacte définition de la torture.
C’est aussi pour refuser cette alternative – trahison ou 41bis -, que la militante des Brigades Rouges PCC Diana Blefari s’est suicidée le 31 octobre 2009.
Ce suicide et la grève de la faim jusqu’à la mort, si nécessaire, d’Alfredo Cospito montrent combien le 41bis est une insupportable torture.
Le choix d’Alfredo Cospito, parfaitement exposé dans ses déclarations, n’est pas un choix de désespoir, c’est un choix de combattant.
C’est comme cela qu’il faut le comprendre, c’est comme telle qu’il faut le soutenir.
Dans sa lettre rendue publique le 1er mars, Alfredo Cospito déclarait : « Je suis convaincu que ma mort mettra un obstacle à ce régime »
Cette conviction, c’est à nous à lui donner raison, en dénonçant de toutes les manières la barbarie de l’état italien et de son appareil policier-judiciaire. Cet état et cet appareil ont un lourd bilan de tortures et de massacres, c’est pour eux une longue tradition, plongeant ses racines loin dans le passé.
Ils ont la tête dure, ils sont sans scrupule, et ils bénéficient de la lâche complicité de presque toute l’intelligentsia italienne et européenne.
Il faudra frapper fort, et à coups répétés.
Secours Rouge International
Zürich, le 26 mars 2023
Annexe : Déclaration d’Alfredo Cospito lors de l’audience du 14 mars 2023
Tout d’abord, je voulais commencer par une citation de mon instigateur :
« Notre système juridique a introduit cette figure d’isolément mortuaire qu’est le 41 bis, et qui sous certains aspects, est encore plus incivile que cette mutilation pharmacologique. Tout ça pour dire que notre système ne brille pas par sa civilité »
Carlo Nordio, 28 mars 2019
Voilà l’instigateur de la lutte que j’ai commencé. Je n’aurais jamais pensé arriver à ce point, j’ai toujours trouvé le mélodrame ridicule, j’aime davantage la comédie, mais c’est ainsi. Après tout ne sommes-nous pas le pays du mélodrame ? Il faut donc finir en beauté. Si j’y pense, il y a cependant quelque chose d’ironique : dans l’Occident du progrès démocratique je suis le seul couillon qui meurt car on l’empêche de lire et d’étudier ce qu’il veut, des journaux anarchistes, des revues historiques et scientifiques, sans oublier les bandes dessinées que j’aime tant.
Vous reconnaîtrez que la chose est paradoxale et aussi un peu drôle, je n’arrive pas à vivre ainsi, je n’y arrive vraiment pas, et j’espère que ceux qui m’aiment me comprennent. Je n’arrive pas à me plier devant cette non-vie, c’est plus fort que moi, peut-être parce que je suis un anarchiste têtu des Abruzzes. Je ne suis bien sûr pas un martyre, les martyres me procurent un certain dégoût. Oui, je suis un terroriste, j’ai tiré sur un homme et j’ai revendiqué avec orgueil ce geste, même si, laissez-moi le dire, cette définition fait un peu rire dans la bouche des représentants d’États ayant sur la conscience des guerres et des millions de morts, et qui parfois, comme l’un de nos ministres, s’enrichissent avec le commerce d’armes. Mais que voulez-vous, ainsi va le monde, du moins tant que l’anarchie n’aura pas triomphé et que le vrai socialisme, celui anti-autoritaire et antiétatique, verra finalement la lumière. Ce n’est pas demain la veille direz-vous, et moi aussi, pour l’instant les seules lueurs de lumière que je vois ce sont les gestes de rébellion de mes frères et mes sœurs révolutionnaires partout dans le monde, et ce n’est vraiment pas rien, car ils sont menés avec le cœur, la passion et le courage, bien qu’ils puissent sembler chétifs et farfelus.
Cela dit, je voulais expliquer le sens de mon acharnement contre le régime 41 bis. Je pense que quelques juristes l’ont plus ou moins perçu, mais ils sont très peu à l’avoir véritablement compris : le 41 bis est une métastase qui risque de menacer l’état de droit, et de fait il est déjà en train de le faire, un cancer qui dans une démocratie un brin plus totalitaire – et avec le gouvernement Meloni nous y sommes presque – pourra être utilisé pour réprimer, faire taire par la terreur toute forme de dissidence politique et toute sorte d’extrémisme hypothétique. Le tribunal qui décide de la condamnation à la muselière moyenâgeuse du 41 bis ressemble énormément au tribunal spécial fasciste, les dynamiques sont identiques : je pourrais sortir de ce cercle dantesque uniquement si je reniais mon credo politique, mon anarchisme, seulement si je livrais quelques compagnons ou compagnonnes. On commence toujours par les Roms, les communistes, les radicaux, les voyous, les subversives et puis par les gauches plus ou moins révolutionnaires.
Comment aurais-je pu ne pas m’opposer à tout cela, certes d’une manière désespérée, et pour un anarchiste, justement parce que nous n’avons pas une organisation, la parole donnée est tout, voilà pourquoi j’irais jusqu’au bout. Pour conclure, comme l’a dit si je me souviens bien l’anarchiste Emile Henry avant qu’on ne lui tranche la tête : quand le spectacle ne me plaira plus j’aurais aussi le droit de le quitter, et de sortir en claquant la porte. Voilà ce que je ferais dans les prochains jours, j’espère avec dignité et sérénité, autant que possible.
Une grande accolade à Domenico qui dans le 41bis de Sassari a commencé la grève de la faim dans l’espoir de pouvoir à nouveau embrasser ses enfants et ses proches, nourrissant mon grand espoir que d’autres damnés du 41bis brisent la résignation et rejoignent la lutte contre ce régime qui fait de la constitution et du soi-disant – pour ce qu’il vaut – état de droit un vieux papier.
Abolition du régime du 41bis.
Abolition de la perpétuité incompressible.
Solidarité avec tous les prisonniers anarchistes, communistes et révolutionnaires dans le monde.
Merci aux frères et aux sœurs pour tout ce que vous avez fait, je vous aime et pardonnez mon obstination illogique. Jamais à genoux, toujours pour l’anarchie.
Vive la vie, à bas la mort.
Alfredo Cospito