Aujourd’hui on m’accuse de service militaire à l’étranger. La grande question
semble être de savoir si oui ou non j’ai contribué à la résistance des Unité de
Défense du Peuple (YPG) lors de mon séjour.
En tant que militant communiste suisse, le but de mon voyage était de voir une
révolution de mes propres yeux et d’y participer.
Aujourd’hui, la Confédération suisse me juge par votre biais car j’aurais violé la
«fameuse» neutralité helvétique en me rendant au nord de la Syrie et j’aurais
porté atteinte à la puissance défensive du pays. A se demander si la Suisse a tant
d’intérêt commun avec l’État Islamique ou le fascisme turc ?
Deux rapports de police disent clairement qu’il n’est pas possible de savoir ce
que j’aurais fait durant mon séjour. Les preuves manquent à l’évidence. A
contrario, les preuves que la neutralité suisse n’est qu’un mythe bien utile à la
bourgeoisie sont nombreuses
Quand la Suisse vend des armes ou des composants d’armes à l’État fasciste turc
la neutralité importe peu, seul le profit compte. Ces armes servent à réprimer les
mouvements progressistes en Turquie. Certaines se sont aussi retrouvées dans
les mains de l’Etat Islamique.
Quand la Suisse extrade des militants et militantes progressistes turques et
kurdes à la demande du régime d’Erdogan ou d’autres Etats européens, où est
donc la neutralité ?
Quand les plus grandes banques du pays investissent chaque année plusieurs
milliards dans l’industrie de l’armement, qui alimente les conflits du monde
entier, où est donc la neutralité ?
L’État suisse n’est pas neutre. Il a choisi son camp depuis longtemps, celui de
l’impérialisme occidental. Moi aussi j’ai choisi mon camp, celui des opprimés.
Depuis deux siècles s’est développée une tradition de solidarité révolutionnaire
internationale. En me rendant au Rojava, j’y ai soutenu le camp des peuples qui
luttent pour leur liberté. Il n ‘ y a qu’une solidarité internationale, ses formes sont
multiples et toutes sont légitimes. Une révolution ne peut se construire sans
projet de société et elle ne peut vivre si elle ne peut pas se défendre.
En suivant l’exemple donné par Norman Bethune ou Barbara Kistler , j’ai continué
cette tradition. De même que toutes celles et ceux qui ont participé, d’une
manière ou d’une autre, à la lutte de peuples qui n’était pas le leur. De la
résistance antifasciste en Espagne à la lutte pour la libération de l’Algérie ou de
la Palestine, nombreux et nombreuses sont les camarades qui ont porté leur
engagement au niveau international. Cet engagement a pris différentes formes,
toutes ayant leur importance.
En me rendant au Rojava, j’ai soutenu la construction d’une société basée sur
des principes de justice sociale, de féminisme et d’écologie. Une société qui
aujourd’hui lutte toujours contre le fascisme turc et ses soutiens occidentaux.
Mon choix est un choix politique, tout comme celui que l’État Suisse fait en me
faisant passer, sur mandat de l’exécutif, devant ce tribunal. Sans preuves
concrètes, je suis amené à comparaître devant vous, ceci sur un simple et seul
avis des Service de renseignement de le Confédération, qui n’ont visiblement pas
daigné fournir les fondements de leurs allégations.
Partout en Europe, la solidarité avec le mouvement kurde est attaquée. Le peuple
du Kurdistan nous montre qu’une révolution est possible et bien réelle. C’est pour
cette raison que notre solidarité et les liens que nous construisons sont vus
comme dangereux.
Quelque que soit l’issue de ce jugement, je n’ai aucun regret. Je continuerai à
soutenir la lutte révolutionnaire au Kurdistan car comme le dit un de leur
proverbe : « La résistance, c’est la vie ! »
En tant que militant révolutionnaire et internationaliste, je tiens à finir ma
déclaration en saluant le camarade Alfredo Cospito et toutes celles et ceux qui
luttent contre le régime d’isolement 41bis en Italie.
Je salue aussi Georges Ibrahim Abdallah et les prisonniers et prisonnières de la
cause palestinienne.
Je salue Pola Roupa et Nikos Maziotis emprisonnés en Grèce pour leur
engagement révolutionnaire.
Je salue aussi les milliers de prisonnières et prisonniers politiques actuellement
dans les geôles du régime fasciste turc.
Je salue l’engagement de celles et ceux qui crient tous les jours dans les rues
d’Iran, «Jin, Jîyan Azadî» et se font emprisonner ou tuer.
Je salue Serge, militant français dans le coma qui lutte pour garder la vie. Il y a
deux semaines, il a été gravement blessé par la police lors des manifestations
contre le projet écocidaire des mégas-bassines dans l’ouest de la France.
Tous ces militants et militantes nous démontrent que même en faisant face à la
plus dure des répressions, la lutte pour un monde meilleur continue.
Comme l’a très bien dit le camarade Fred Hampton : «On peut emprisonner un
révolutionnaire, mais on ne peut pas emprisonner la révolution.»